mardi 26 octobre 2010

Chez moi,

Il y'a ceux qui s'en vont

Il y'a ceux qui restent

Ceux qui vont de l'avant

Et ceux qui retournent leurs vestes

Il y'a ceux qui manipulent

Et ceux de la révérence

Ceux qui limités reculent

Et ceux qui par vérité avancent

Chez moi,

A la dimension humaine

C'est toujours l'amour

Celui qui dégaine

Sans aucun détour

Il y'a les oppresseurs

Sanguinaires enfants de choeur

de la chorale des douleurs

Et puis il y'a les opprimés

Dans les plis de la pitié

La cohorte aveugle des damnés

givrés de l'extase de la peur

Chez moi,

Il y'a les mots qui tuent

Les sourires qui blessent

La terreur sur la rues

Et la trouille aux fesses

Qui chiale ses horreurs

Qui crie ses bassesses

aux festin du déshonneur

Chez moi,

Il y'a le soleil

Il y'a la pluie

Et la tendresse qui veille

Sur mains désunis

Il y'a des artéres

Et des faubourgs

coulés dans la chair

des exilés au long cours

Et toutes nos dimensions

sur les ailes rognées de la passion

Chez moi,

Il y'a des pauvres des malheureux

des morts des vivants

Des brisés des joyeux

Des morts-vivant des agonisants

Il y 'a la marée de la rage

qui tourne dans sa transhumance

La genèse des visage

Prend des allures de l'errance

Chez moi,

il y' a la médisance

Qui fait la nique aux ragots

Et la haine qui danse

A fleur de peau

Il y"a des soumis qui crèvent

Et des révoltés aussi

Des enfants qui rêvent

De défoncer la nuit

Il y'a des vies qui saignent

Au gré des habitudes

Et des cons qui règnent

Par l'éloge du vide

Il y'a des métronomes

Sous les bottes derrière les lances

Qui font marcher les Hommes

A leur propre cadence

Chez moi,

Il y"a des berlue qui font les 400 coups

Et des anges déchus

Qui creusent des trous

Des trous pour en finir

Des trous pour disparaitre

Pour une raison de mourir

Dans l'illusion du paraitre

Des postures conditionnées

Aux normes établies

De ces modes aseptisées

Par des règles à calculer

Chez moi,

Il y' a la tendresse qui coule

L'orgasme qui s'ennuie à mourir

La folie qui se défoule

Aux bastions des délires

Et il y'a des lueurs si pures

Qu'on dirait la mer à boire

Qui prêterait à sourire

Sans la boulimie du dérisoire

Il y' a des requins chineurs

Qui polluent l'espace

A diffuser la peur

Au tempo du temps qui passe

Il y' a des réducteurs de têtes

Et des coupeurs de joints

La blanche aussi est à la fête

Chez les maquereaux et leurs putains

Chez moi,

Il y' a des douleurs profondes

Et des rumeurs insolentes

Qui font tourner notre monde

Et bannir nos prières innocentes

il y' a de sublimes mochetés

Qui sont la sève du désir

Et des artificielles beautés

Collées aux devantures

De la loi du marché

Il coule de leurs yeux

Les larmes de la beauté

Elles donnent la fièvre

Sans jamais calculer

Il y 'a des candides

Et des putes vierges

Des amours torrides

De chez les mille verges

Chez moi,

Il y' a des braves gens

Et les gens de bravoure

Ceux qui tuent le temps

A brasser du vent

Et ceux qui attendent leur tour

Ceux qui vivent debout

Dedans l'immonde

Et ceux qui vivent à genoux

Dans la connerie féconde

CHABBI MAHREZ

mercredi 16 juin 2010

LES HOMMES

Les hommes dansent
sur leurs dépouilles
les déserts avancent
et la terre se rouille
les hommes plombent
leurs rêves d'enfance
ils creusent leurs tombes
avec impatience
MAIS LES AMOUREUX SAUVENT LE MONDE
Malgré tout
malgré la haine surtout
MAIS LES GENS HEUREUX SAUVENT LE MONDE
malgré les fous
et malgré nous surtout

les hommes se gourent
quand ils pérorent
ils parlent d'amour
et sèment la mort
les hommes rient
des dinosaures
mais tout ce qui brille
n'est pas de l'or

MAIS LES AMOUREUX SAUVENT LE MONDE
Malgré tout
malgré la haine surtout
MAIS LES GENS HEUREUX SAUVENT LE MONDE
malgré les fous
et malgré nous surtout

ils se multiplient
et puis se divisent
dans un jeu de quille
sur fond de crise
les hommes pleurent
d'amour de peine
larmes et sueurs
sur fond de haine

MAIS LES AMOUREUX SAUVENT LE MONDE
Malgré tout
malgré la haine surtout
MAIS LES GENS HEUREUX SAUVENT LE MONDE
malgré les fous
et malgré nous surtout
VIVRE VIVRE ET LAISSER VIVRE


Vivre pour mon âme
Du fond de son silence
Vivre pour une femme
Du fond de son absence
Vivre pour beaucoup
Ou vivre pour si peu
Vivre pour rien du tout
Et se croire heureux
Vivre dans le délire
à mourir de gloire
Ou finir en martyr
De la bêtise et du hasard
Vivre en guenilles
Ou vivre en rupin
Fonder une famille
Se prendre pour un malin
Vivre pour un idéal
Ou vivre à la dérive
Entre le bien et le mal
Jusqu'à ce que mort s'ensuive
Vivre pour tout seul
Ou vivre pour dix mille
Devant son linceul
C'est la trouille imbécile
Vivre tout enjoué
Ou triste à en mourir
Se prendre pour le dernier
De toutes les aventures
Vivre sans connaître
La goutte de l'hiver
Ni écrire des lettres
Aux bureaux de la misère
Vivre et mourir candide
Vite dans sa jeunesse
Sans avoir une ride
Ni rien de la bassesse
Vivre pour tout
Pour pas grand chose
Et finir dans un trou
Couvert de roses
Vivre pour une cause
Ou pour la potence
C'est toi qui propose
Et tu paies d'avance.

CHABBI MAHREZ
Tunisie

mercredi 12 mai 2010

la photo et la plus  éloquente et la plus symbolique. Une Icone  !!
la photo est la plus éloquente et la plus symbolique. Une Icône !!

Il s'agit d'une terre
et de rien d'autre !!
Appelez ça la terre promise
appelez ça la terre volée
appelez ça Eretz Israël
appelez ça Palestine
appelez ça la terre de Canaan
appelez ça la terre occupée
dites que c'est à vous !!
ce n’est qu’une Terre
Israël en a besoin pour son expansion
et les Palestiniens en ont besoin
pour leur survie et leur existence
Dieu l'a-t-il donnée à Golda Meier ??
Moïse l'a-t-il envahie avec des esclaves égyptiens ??
Richard Coeur de Lion l'a-t-il offerte au pape ??
tout ça pour un morceau de Terre
Salah el Ddin (Saladin) l'a-t-il libérée
Herzl l'a-t-il volée
Jésus l'a-t-il bénie
tout ça est une affaire de Terre !!
c'est une restitution après l'holocauste
c'est une restitution après les croisades
c'est une restitution après la défaite de Napoléon à Saint-Jean-d'Acre
Foutaises, il ne s'agit que d’une Terre ??
Le général Allenby l'a-t-il également libérée ??
Al Khalifa Omar l'a-t-il gagnée ??
Jésus y a-t-il rencontré Mohamed ??
ce n'est qu'un morceau de terre
mais sans aucune Paix
Les sionistes en ont-ils besoin
le judaïsme peut-il survivre sans elle
Dieu l'a-t-il donnée à certains…..
et refusée à d'autres
Non Monsieur !! ce n'est qu'un morceau de terre
qui va de la mer de Tibériade à la mer Rouge
en passant par la mer Morte
et retenu à l'est
par la mer Méditerranée.
Rottchild l'a-t-il acheté ??
Balfour l'a-t-il vendu ??
Le sultan d'Istanbul l'a-t-il abandonné ??
Non Monsieur !!!
Balfour n'en était pas propriétaire,
donc il ne pouvait pas le vendre
etRottchild n'a même pas été reçu
par le sultan qui en était propriétaire
Non Monsieur …. Ce n'est qu'un morceau de terre
les païens sont un jour devenus juifs
les juifs sont plus tard devenus chrétiens
et où
les chrétiens sont devenus musulmans
Ils ont tous bu l'eau du Jourdain
et ils ont tous craint le même Dieu puissant,
jusqu'au jour où les sionistes sont arrivés…
Les sionistes qui n'avaient peur de personne
nous ont apporté :
la mort et la destruction
le colonialisme et l'apartheid
l'exil et la déportation
et bien sûr, ils ont pris la terre
La même Terre dont je parle
celle qu'on appelle la Terre sainte
ou la Terre promise
Terre de Canaan
ou simplement et sans prétention
ou normalement et historiquement
La Palestine
Elle n'a rien de mystique
rien de miraculeux ni de divin
les blancs l'ont fait en Afrique du Sud,
en Amérique du Nord et du Sud
et même à Hawaï….
alors pourquoi pas en Palestine !!
Ce n'est qu'un morceau de Terre comme tous les autres
et celui qui a le plus grand fusil peut le garder !!
Oubliez les Nations unies et le droit international
oubliez les droits de l'homme, les droits nationaux et même l’histoire
Ne vous souciez pas de religions…..
Faites en sorte de vous procurer et de garder
les plus grands fusils
C'est une affaire de terre
et celui qui a les plus grands fusils
peut la garder !!

Raja Ibrahim Khalil Ibrahim el Chemayel

dimanche 9 mai 2010

Questions que se pose un ouvrier qui lit


Qui a construit Thèbes aux sept portes ?
Dans les livres, on donne les noms des Rois.
Les Rois ont-ils traîné les blocs de pierre ?
Babylone, plusieurs fois détruite,
Qui tant de fois l’a reconstruite ? Dans quelles maisons
De Lima la dorée logèrent les ouvriers du bâtiment ?
Quand la Muraille de Chine fut terminée,
Où allèrent ce soir-là les maçons ? Rome la grande
Est pleine d’arcs de triomphe. Qui les érigea ? De qui
Les Césars ont-ils triomphé ? Byzance la tant chantée.
N’avait-elle que des palais
Pour les habitants ? Même en la légendaire Atlantide
Hurlant dans cette nuit où la mer l’engloutit,
Ceux qui se noyaient voulaient leurs esclaves.

Le jeune Alexandre conquit les Indes.
Tout seul ?
César vainquit les Gaulois.
N’avait-il pas à ses côtés au moins un cuisinier ?

Quand sa flotte fut coulée, Philippe d’Espagne
Pleura. Personne d’autre ne pleurait ?
Frédéric II gagna la Guerre de sept ans.
Qui, à part lui, était gagnant ?

A chaque page une victoire.
Qui cuisinait les festins ?
Tous les dix ans un grand homme.
Les frais, qui les payait ?

Autant de récits,
Autant de questions.

Bertold BRECHT

vendredi 23 avril 2010

Commune présence

Commune présence

Tu es pressé d’écrire
Comme si tu étais en retard sur la vie
S’il en est ainsi fais cortège à tes sources
Hâte-toi
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance
Effectivement tu es en retard sur la vie
La vie inexprimable
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t’unir
Celle qui t’es refusée chaque jour par les êtres et par les choses
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci
Hors d’elle tout n’est qu’agonie soumise fin grossière
Si tu rencontres la mort durant ton labeur
Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride
En t’inclinant
Si tu veux rire
Offre ta soumission
Jamais tes armes
Tu as été créé pour des moments peu communs
Modifie-toi disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption
Sans égarement

Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union.

René Char
in Le Marteau sans maître (1934-1935)

jeudi 8 avril 2010

La masure.

tu voulais tant la voir cette vieille bastide
érigée en haut de nos vignes
et entourée de garrigue
voilà, tu en as fait le tour !

dès ton arrivée, le long du sentier
les herbes sauvages
se sont courbées
timidement
sur ton passage
en guise de révérence.

t'en souvient-il ?
le feu de bois crépitait
dans l'ancienne cheminée
tu as aimé l'odeur des souches
une planche posée sur deux pierres
telle fut notre table de fortune

Sur l'aire,
adossé contre ce grand pin
qui nous gratifiait de son ombre,
tu t'es assoupi quelques instants
blotti entre deux racines
qui buvaient tes souffles

depuis ce jour
cet arbre est tien
car ici "les pins gardent mémoire"

(anonyme)

mercredi 7 avril 2010

ESPOIR

ESPOIR

Mais nous souffrons d'un mal incurable qui s'appelle l'espoir.

Espoir de libération et d'indépendance.

Espoir d'une vie normale où nous ne serons ni héros, ni victimes.

Espoir de voir nos enfants aller sans danger à l'école.

Espoir pour une femme enceinte de donner naissance à un bébé vivant, dans un hôpital, et pas à un enfant mort devant un poste de contrôle militaire.

Espoir que nos poètes verront la beauté de la couleur rouge dans les roses plutôt que dans le sang.

Espoir que cette terre retrouvera son nom original : terre d'amour et de paix.

Merci pour porter avec nous le fardeau de cet espoir.


Mahmoud DARWICH

mardi 6 avril 2010

ALMERIA

Un plat pour l'évêque, un plat trituré et amer,

un plat avec des débris de fer,

avec des cendres, avec des larmes,

un plat submergé,

avec des sanglots et des murs écroulés,

un plat pour l'évêque,

un plat de sang d'Almeria.


Un plat pour le banquier,

un plat de joues

d'enfants du Sud heureux,

un plat dee détonations, d'eaux en folie, de ruines, de terreur,

un plat d'essieux brisés, de têtes piétinées,

un plat noir, un plat de sang d'Almeria.

Chaque matin, chaque matin trouble de votre vie

vous l'aurez fumant et brûlant sur votre table :

vous l'écarterez un peu de vos mains délicates

afin de ne pas le voir, afin de n'avoir pas à le digérer tant de fois :

vous l'écarterez un peu entre le pain et les raisins,

ce plat de sang silencieux

qui sera là chaque matin, chaque matin.

Un plat pour le colonel et l'épouse du colonel,

à une fête de la garnison, à chaque fête,

sur les serments et les crachats,

avec la lumière du vin de l'aube

afin que vous l'aperceviez tremblant et froid sur le monde.

Oui, un plat pour vous tous, riches d'ici et de là-bas,

ambassadeurs, ministres, commensaux atroces,

dames au fauteuil et au thé confortables :

un plat déchiqueté, débordant, sale de sang pauvre,

pour chaque matin, pour chaque semaine, pour toujours

et à jamais

un plat de sang d'Almeria,

devant vous,

pour toujours.


Pablo Neruda

( Résidence sur la terre)

dimanche 28 mars 2010

Solide au milieu de la tempête,
je m'imagine allant de par le monde
comme si avec moi cheminait
une troupe de bras invincibles.
Avec leurs ailes sombres passeront
par centaines d'autres nuits glacées
sans qu'elles puissent tuer l'aurore
de ce jour où finira l'injustice.
Frères et soeurs de ce combat :
votre solidarité se multiplie
comme feuilles du printemps.
C'est vous qui nous donnerez la victoire!
Vous serez avec nous
lors du grand jour de notre retour.

Antonio Guerrero Rodríguez

mercredi 24 mars 2010

Les chiens et la « Gazalle »

(Une fable)

A toutes les mères de Gaza.

Dans la jungle d’Opressianistan

Une meute de chiens enragés

Encercle la Gazalle essoufflée

Epuisée, blessée et délaissée

Partout ça sent le sang

Ca sent la Mort

Ca sent l’Hypocrisie

Et la Trahison

La pauvre Bête saigne

Mais…………………………………………………………………………… résiste encore

Sa peau est déchiquetée

Son œil est crevé

Sa patte est cassée

Ses cornes fracassées

Ca y est !!!

Se disent les vilains chiens

Elle va bientôt

.

.
.

.

Tomber

S’étend…………….doucement

Et

.

.
.

.

Succomber.

Mais……………La Bête entêtée

……………………………………………………………………………Se lève soudain

Et se fraie ……………………………………………………………………..un chemin

Au milieu des chiens époustouflés

Exténués et affamées.

Ils ne peuvent plus……………………………………………………. continuer

Et leurs forces ………………………………………………….se sont évaporées

Ils regardent désespérés

La Gazalle …………………….se lever

Marcher………………………………………..

……………………………………………………Et s’évader

Non loin……… de là

Près…. du lac la Haine

Des aigles, des lycaons et des hyènes

Assistent au spectacle

……………………………………………………………………………………….En silence

En charognards passifs…………………sans honneur………………….sans conscience

Ils savent bien

Pourtant

Que même mille chiens

Même mille lions

Ne vainquent jamais une seule Gazalle

Car la Gazalle est immortelle

Elle vit d’Amour

De Beauté

Et de Lumière

………………………

Sur son doux museau

Le Temps a dessiné

………………………………………………………………….Un petit arc-en-ciel

Avec toutes les couleurs de la LIBERTE


Moez Lahmédi
- Msaken, Tunisie

mardi 23 février 2010

la plus drôle des créatures

La plus drôle des créatures

Comme le scorpion, mon frère,
Tu es comme le scorpion
Dans une nuit d’épouvante.
Comme le moineau, mon frère,
Tu es comme le moineau
Dans ses menues inquiétudes.
Comme la moule, mon frère,
Tu es comme la moule
Enfermée et tranquille.
Tu es terrible, mon frère,
Comme la bouche d’un volcan éteint.
Et tu n’es pas un, hélas,
Tu n’es pas cinq,
Tu es des millions.
Tu es comme le mouton, mon frère,
Quand le bourreau habillé de ta peau
Quand le bourreau lève son bâton
Tu te hâtes de rentrer dans le troupeau
Et tu vas à l’abattoir en courant, presque fier.
Tu es la plus drôle des créatures, en somme,
Plus drôle que le poisson
Qui vit dans la mer sans savoir la mer.
Et s’il y a tant de misère sur terre
C’est grâce à toi, mon frère,
Si nous sommes affamés, épuisés,
Si nous somme écorchés jusqu’au sang,
Pressés comme la grappe pour donner notre vin,
Irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute, non
Mais tu y es pour beaucoup, mon frère.


Nazim Hikmet

tu vas mourir, vieille Maria

Tu vas mourir, vieille María

Tu vas mourir, vieille María,

Je veux te parler sérieusement :

ta vie fut un rosaire entier d'agonies,

elle n'eut ni homme aimé, ni santé, ni argent,

juste la faim à partager;

je veux parler de ton espérance, des trois espérances distinctes

qu'a fabriquées ta fille sans savoir comment .

Prends cette main d'homme qui paraît être celle d'un enfant

dans les tiennes usées par le savon jaune.

Frotte tes cals durs et les noeuds purs de tes doigts

à la honteuse douceur de mes mains de médecin .

Écoute, grand-mère prolétaire :

crois en l'homme qui vient,

crois dans l'avenir que jamais tu ne verras .

N'implore pas clémence à la mort

afin de voir tes caresses brunes grandir;

les cieux sont sourds et en toi commande l'obscur;

surtout tu auras une rouge vengeance,

je le jure a l'exacte mesure de mes idéaux

tes petits-enfants vivront tous l'aurore .

Meurs en paix, vielle combattante.

Tu va mourir, vielle María,

trente ébauches de linceul

te diront adieu d'un regard,

le jour proche de ton départ.

Tu vas mourir, vieille Marìa,

les murs de la salle resteront muets

même si la mort se conjugue avec l'asthme

et copule amoureusement avec lui dans la gorge.

Ces trois caresses faites de bronze

(la seule lumière qui soulage ta nuit),

ces trois petits-enfants drapés de faim,

regretteront les noeuds des vieux doigts

où toujours ils trouvèrent quelque sourire.

Ce sera tout, vieille María.

Ta vie fut un rosaire de maigres agonies,

elle n'eut ni homme aimé, ni santé, ni joie,

juste la faim à partager,

ta vie fut triste, vieille María.

Lorsque l'annonce de l'éternel repos

trouble la douleur de tes pupilles,

lorsque tes mains de perpétuelle souillon

absorberont la dernière innocente caresse,

pense à eux . . . et pleure,

pauvre vieille María.

Non, ne le fais pas !

n'implore pas clémence à la mort,

ta vie horriblement habillée de faim,

s'achève habillée d'asthme.

Mais je veux t'annoncer,

avec une voix basse et virile, les espérances,

la plus rouge et virile des vengeances

je veux le jurer à l'exacte

mesure de mes idéaux.

Prends cette main d'homme qui paraît être celle d'un enfant

dans les tiennes usées par le savon jaune,

frotte tes cals durs et les noeuds purs de tes doigts

à la honteuse douceur de mes mains de médecin .

Repose en paix, vieille María,

repose en paix, vieille combattante,

tes petits-enfants vivront tous l'aurore,

Je le jure !

Che Guevara, 1967


lettre d'un adolescent à Djamila Bouhired

Lettre d'un adolescent
à Djamila Bouhired


Ton nom est une légende
cette légende qui s'est insinuée
dans l'utérus de ma mère
et c'est ainsi que je t'ai connue
avant de naître
et c'est grâce à toi
que je suis né
.................libre

Djamal Benmerad
Journaliste, écrivain
Bruxelle

dimanche 21 février 2010

Le rêve d'un esclave noir

Le rêve d'un esclave noir

Par Alphonse de Lamartine


TOUSSAINT
Avancez,
Mes enfants, mes amis, frères d’ignominie !
Vous que hait la nature et que l’homme renie ;
A qui le lait d’un sein par les chaînes meurtri
N’a fait qu’un cœur de fiel dans un corps amaigri ;
Vous, semblables en tout à ce qui fait la bête ;
Reptiles, dont je suis et la main et la tête !
Le moment est venu de piquer aux talons
La race d’oppresseurs qui nous écrase... Allons !
Ils s’avancent ; ils vont, dans leur dédain superbe.
Poser imprudemment leurs pieds blancs sur notre herbe :
Le jour du jugement se lève entre eux et nous !
Entassez tous les maux qu’ils ont versés sur vous :
Les haines, les mépris, les hontes, les injures,
La nudité, la faim, les sueurs, les tortures,
Le fouet et le bambou marqués sur votre peau,
Les aliments souillés, vils rebuts du troupeau ;
Vos enfants nus suçant des mamelles séchées ;
Aux mères, aux époux les vierges arrachées.
Comme, pour assouvir ses brutaux appétits,
Le tigre à la mamelle arrache les petits ;
Vos membres, dévorés par d’immondes insectes,
Pourrissant au cachot sur des pailles infectes ;
Sans épouse et sans fils vos vils accouplements,
Et le sol refusé même à vos ossements,
Pour que le noir, partout proscrit et solitaire,
Fût sans frère au soleil et sans Dieu sur la terre !
Rappelez tous les noms dont ils vous ont flétris,
Titres d’abjection, de dégoût, de mépris ;
Comptez-les, dites-les, et, dans notre mémoire,
De ces affronts des blancs faisons-nous notre gloire !
C’est l’aiguillon saignant qui, planté dans la peau,
Fait contre le bouvier regimber le taureau ;
Il détourne à la fin son front stupide et morne.
Et frappe le tyran au ventre avec sa corne.
Vous avez vu piler la poussière à canon
Avec le sel de pierre et le noir de charbon ;
Sur une pierre creuse on les pétrit ensemble ;
On charge, on bourre, et feu ! le coup part, le sol tremble.
Avec ces vils rebuts de la terre et du feu,
On a pour se tuer le tonnerre de Dieu.
Eh bien ! bourrez vos cœurs comme on fait cette poudre :
Vous êtes le charbon, le salpêtre et la poudre ;
Moi, je serai le feu ; les blancs seront le but !
De la terre et du ciel méprisable rebut,
Montrez en éclatant, race à la fin vengée,
De quelle explosion le temps vous a chargée !
(Il se penche, et écoute un moment à terre.)
Ils sont là !... là, tout près,... vos lâches oppresseurs !
Du pauvre gibier noir exécrables chasseurs,
Vers le piége caché que ma main va leur tendre,
Ils montent à pas sourds et pensent nous surprendre.
Mais j’ai l’oreille fine, et, bien qu’ils parlent lias,
Depuis le bord des mers j’entends monter leurs pas.
Chut !... leurs chevaux déjà boivent l’eau des cascades ;
Ils séparent leur troupe en fortes embuscades,
Ils montent un à un nos âpres escaliers :
Ils les redescendront, avant peu, par milliers.
Que de temps pour monter le rocher sur la butte !
Pour le rouler en bas, combien ? une minute !
......................................................................
......................................................................
Avez-vous peur des blancs ? Vous, peur d’eux ! et pourquoi ?
J’en eus moi-même aussi peur : mais écoutez-moi...
Au temps où, m’enfuyant chez les marrons de nie,
Il n’était pas pour moi d’assez obscur asile,
Je me réfugiai pour m’endormir, un soir,
Dans le champ où la mort met le blanc près du noir,
Cimetière éloigné des cases du village,
Où la lune en tremblant glissait dans le feuillage.
Sous les rameaux d’un cèdre aux longs bras étendu,
A peine mon hamac était-il suspendu,
Qu’un grand tigre, aiguisant ses dents dont il nous broie,
De fosse en fosse errant, vint flairer une proie.
De sa griffe acérée ouvrant le lit des morts,
Deux cadavres humains m’apparurent dehors :
L’un était un esclave, et l’autre était un maître.
Mon oreille des deux l’entendit se repaître,
Et quand il eut fini ce lugubre repas,
En se léchant la lèvre il sortit à longs pas.
Plus tremblant que la feuille et plus froid que le marbre,
Quand l’aurore blanchit, je descendis de l’arbre
Je voulus recouvrir d’un peu du sol pieux
Ces os de notre frère exhumés sous mes yeux.
Vains désirs, vains efforts ! De l’un, l’autre squelette,
Le tigre avait laissé la charpente complète,
Et, rongeant les deux corps de la tête aux orteils,
En leur ôtant la peau les avait faits pareils.
Surmontant mon horreur : « Voyons, dis-je en moi-même,
Où Dieu mit entre eux deux la limite suprême ;
Par quel organe à part, par quel faisceau de nerfs,
La nature les fit semblables et divers ;
D’où vient entre leur sort la distance si grande ;
Pourquoi l’un obéit, pourquoi l’autre commande. »
A loisir je plongeai dans ce mystère humain,
De la plante des pieds jusqu’aux doigts de la main ;
En vain je comparai membrane par membrane :
C’étaient les mêmes jours perçant les murs du crâne.
« Mêmes os, mêmes sens, tout-pareil, tout égal,
Me disais-je ; et le tigre en fait même régal,
Et le ver du sépulcre et de la pourriture
Avec même mépris en fait sa nourriture !
Où donc la différence entre eux deux ?... Dans la peur.
Le plus lâche des deux est l’être inférieur. »
Lâche ? Sera-ce nous ? Et craindrez-vous encore
Celui qu’un ver dissèque et qu’un chacal dévore ?
Alors tendez les mains et marchez à genoux :
Brutes et vermisseaux sont plus hommes que nous !
Ou si du cœur du blanc Dieu nous a fait les fibres,
Conquérez aujourd’hui le sol des hommes libres !
L’arme est dans votre main, égalisez les sorts !
LES NOIRS, avec acclamations.
Liberté pour nos fils, et pour nous mille morts !
TOUSSAINT.
Mille morts pour les blancs, et pour nous mille vies !...
Les voici, je les tiens ! leurs cohortes impies
Sur nos postes cachés vont surgir tout à coup.
Silence jusque-là ! puis, d’un seul bond, debout !
Qu’au signal attendu du premier cri de guerre,
Le peuple sous leurs pieds semble sortir de terre !
Chargez bien vos fusils, enfants, et visez bien !
Chacun tient aujourd’hui son sort au bout du sien.
A vos postes ! allez !
(Ils s’éloignent. Toussaint rappelle les principaux chefs, et leur serre
la main tour à tour.)
A revoir, demain, frère !
Ou martyrs dans le ciel, ou libres sur la terre !
(Après un moment de silence. )
Mais il faut vous laisser conduire par un fil,
Sans demander : « Pourquoi ? Que veut-il ? que fait-il ? »
Que chaque âme de noir aboutisse à mon âme !
Toute grande pensée est une seule trame
Dont les milliers de fils, se plaçant à leur rang,
Répondent comme un seul au doigt du tisserand ;
Mais si chacun résiste et de son côté tire,
Le dessin est manqué, la toile se déchire.
Ainsi d’un peuple, enfants ! Je pense : obéissez !
Pour des milliers de bras, une âme c’est assez !
LES NOIRS.
Oui, nous t’obéirons : toi le vent, et nous l’onde !
Toussaint sur Haïti, comme Dieu sur le monde !
TOUSSAINT.
Eh bien ! si vous suivez mon inspiration,
Vous étiez un troupeau : je vous fais nation !
......................................................................
......................................................................
(Ils tombent à ses pieds.)


Alphonse de Lamartine

Fragment publié en 1843.
ps: Extrait de "Recueillements poétiques",1839 (Édition de 1863)

VOCATION


Vocation


Un soir il lui dit :

Réveille-moi tôt

je pense mourir demain


Ils passent leur temps à mourir

à l’ombre d’un olivier

à la sortie de la mosquée

où à l’entrée d’un poème


Ainsi en est-il

des habitants de Gaza :

chaque fois que l’un tombe

le suivant se présente

au guichet de la mort


Mais vous verrez

désormais

ils ne feront pas que mourir



Djamal Benmerad
Journaliste, écrivain
Bruxelles

CALIBRE

Calibre

Ils comptent une à une

les vertèbres de nos jours

pendant qu’à notre tour

nous crions dans l’arène :

Ghaza ! Ghaza !

Ceux qui vont mourir te saluent !


Mais ne t’inquiète pas

mon amour

les vertèbres de la Résistance

font du douze millimètres



Djamal Benmerad
Journaliste, écrivain
Bruxelles

L'homme manquant

L’homme manquant

« Vous n’êtes guère nombreux »

me dit le dictateur avec mépris

Alors j’ai compté mes hommes

il en manquait un :

celui qui est parti

...............déposer la bombe


Djamal Benmerad
Journaliste, écrivain
Bruxelles

jeudi 18 février 2010

A mon amie inconnue

A mon amie inconnue

Ta lumière cerne ma nuit
et cette ville où habitent
tant de silences liés
par une corde d'indifférence
qui regarde ailleurs
chaque fois qu'un Homme tombe
sous les éclats
........................ d'un Tomahawk

(
Samedi 19 avril 2008)


Djamal Benmerad
Journaliste, écrivain
Bruxelles

mercredi 17 février 2010

ils étaient cent mille

Ils étaient cent mille


1


Ils étaient cent mille

Ils étaient hommes
A bousculer l’enfer

Dans la poussière

Des hogras millénaires

Bedonnantes et lippues

Sous leur marche solaire

Pour écraser l’infâme !


2


Ils venaient de partout…

D'El Kseur et de Tizi Ouzou

De Larbaâ et de Seddouk

De Bejaia, de Tabbouda

D'Ilmatten et d'Imoula…

Ils venaient de toutes les crêtes
Aux fleurs de résistance

Et aux yeux de fière insolence…

Tous cheveux au vent
Et poitrines offertes

À la mitraille ouverte

De nos derniers colons…

A Akbou rassemblés
Pour retrouver d’Ifri

Les sources de Novembre…

Et traverser le temps
L’histoire aux ailes déployées

Aigle bleu tournoyant

Sur nos crêtes absolues

Et nos pitons têtus.


3

Ils venaient de partout

A l'appel des ancêtres

Les yeux brûlants

De tous les espoirs déçus

Des chemins de traverse

A perte de rumeurs

Ne menant nulle part

Pour entendre leurs voix

S'élever du fond de la vallée…

Youghourta, Massinissa
Oubliés

Et bannis de mémoire…

Boudiaf assassiné
Fatima et Hassiba suppliciées

Abdelkader l'Emir

Et Abane l'avenir

Bâillonnés

Par crapules au pouvoir.


4


Et pendant ce temps là

Les gros rats se terraient

Dans leurs palais d'été

En fumant des havanes

Entre les cuisses nues

De leurs femmes

En pavane.


5


Ils venaient de partout

Descendus …

De leurs pitons crochus

Désertés par les blés

De moissons à rêver

D'oliviers centenaires…

Et de figuiers crochus

Aux racines colère…

Leur misère portée
À bras tendus

Pour ne plus leur laisser

Le droit d’écrire l’histoire

Et de tordre le cou

Au viol de la mémoire.


6


Ils venaient pour semer

À pleines poignées

L’espoir et la rosée

qui fécondent

Le sillon que l’Homme Libre a tracé

Un jour de pleine vérité !


Baghdadi Si Mohamed

lundi 15 février 2010

Le père Duchesne


Le père Duchesne


Né en nonante-deux

Nom de dieu

Mon nom est Père Duchesne

Marat fut généreux

Nom de dieu

Á qui lui porta haine

Sang dieu

Je veux parler sans gêne

Nom de dieu


Coquin filou peureux

Nom de dieu

Vous m’appelez canaille

Dès que j’ouvre les yeux

Nom de dieu

Jusqu’au soir je travaille

Sang dieu

Et je couche sur la paille

Nom de dieu


On nous promet les cieux

Nom de dieu

Pour toute récompense

Tandis que ces messieurs

Nom de dieu

S’arrondissent la panse

Sang dieu

Nous crevons d’abstinence

Nom de dieu

Pour mériter les cieux

Nom de dieu


Voyez vous ces bougresses

Au vicaire le moins vieux

Nom de dieu

S’en aller à confesse

Sang dieu

Se faire peloter les fesses

Nom de dieu


Si tu veux être heureux

Nom de dieu

Pends ton propriétaire

Coupe les curés en deux

Nom de dieu

Fous les églises par terre

Sang dieu

Et le bon Dieu dans la merde

Nom de dieu


Peuple trop oublieux

Nom de dieu

Si jamais tu te lèves

Ne sois pas généreux

Nom de dieu

Patrons bourgeois et prêtres

Sang dieu

Méritent la lanterne

Nom de dieu !

Nom de dieu

anonyme

Elle n'est pas morte !

Elle n'est pas morte !

Ils l'ont tuée à coups d'chassepots,
À coups de mitrailleuses,
Et roulée avec son drapeau
Dans la terre argileuse !
Et la tourbe des bourreaux gras
Se croyait la plus forte.
Refrain :
Tout ça n'empêche pas, Nicolas,
Qu'la Commune n'est pas morte !
Comme faucheurs rasant un pré,
Comme on abat des pommes,
Les Versaillais ont massacré
Pour le moins cent-mille hommes !
Et les cent-mille assassinats,
Voyez c'que ça rapporte...
Refrain
Ils ont fait acte de bandits,
Comptant sur le silence,
Achevé les blessés dans leur lit,
Dans leur lit d'ambulance !
Et le sang inondant les draps
Ruisselait sour la porte !
Refrain
Les journalistes, policiers,
Marchands de calomnies,
Ont répandu sur nos charniers
Leurs flots d'ignominies !
Les Maxime Ducamp, les Dumas
Ont vomi leur eau-forte.
Refrain
C'est la hache de Damoclès
Qui plane sur leurs têtes :
À l'enterrement de Vallès,
Ils en étaient tout bêtes,
Fait est qu'on était un fier tas
À lui servir d'escorte !
Refrain :
C'qui prouve en tout cas, Nicolas,
Qu'la Commune n'est pas morte.
Bref, tout ça prouve aux combattants
Qu'Marianne a la peau brune,
Du chien dans l'ventre et qu'il est temps
D'crier : « Vive la Commune ! »
Et ça prouve à tous les Judas
Qu'si ça marche de la sorte,
Refrain :
Ils sentiront dans peu, nom de Dieu,
Qu'la Commune n'est pas morte !

Eugène Pottier

A Louise Michel






Comme une blessure

Femme - barricade au-delà des ans
Femme - barricade pour tous les mendiants
De la Butte Rouge au bagne là-bas
Pour cette Commune que je porte en moi
Comme une blessure

Louise Michel d’un rêve présent
Louise Michel d’un autre printemps
De cerises noires rue des Insoumis
Femme de révolte et de graffitis
Gravés sur des murs

Symbole de nuit pour les versaillais
Symbole des femmes qui se sont levées
Tant de cris jetés pour la liberté
Dans ce monde clos qu’on nous a bradé
Au vent des ordures

Louise Michel d’un dernier espoir
Louise Michel de la contre-Histoire
Il pleut ce matin sur un Paris mort
Des femmes refont un coin du décor
Une autre parure

Louise Michel d’un autre regard
Louise venue d’une autre mémoire
Il me reste encor tes mots en allés
Ces bribes de vie que je chanterai
Comme une blessure
Comme une blessure.

Verdier

dimanche 14 février 2010

je veux montrer la foule

Je veux montrer la foule

Je veux montrer la foule et chaque homme en détail
Avec ce qui l'anime et qui le désespère
Et sous ses saisons d'homme tout ce qui l'éclaire
Son espoir et son sang son histoire et sa peine

Je veux montrer la foule immense divisée
La foule cloisonnée comme un cimetière
Et la foule plus forte que son ombre impure
Ayant rompu ses murs ayant vaincu ses maîtres


Paul Eluard

Scorpion

SCORPION


Pareil au scorpion

Toute colère dehors

J’avance avec le feu du jour

Et le premier esclave que je rencontre

Je le remplis de ma violence

Je le pousse en avant ma lance déployée

Et que la verve des scorpions le prenne

Et que le vent du feu l’enlève

Chaque jour plus léger

Kateb Yacine

vendredi 12 février 2010

nos morts

Nos morts…


Nos morts gardent la bouche ouverte

comme pour te décerner

une dernière injure



Djamal Benmerad
Journaliste, écrivain
Bruxelles

mercredi 10 février 2010

la berceuse et le fusil

La berceuse et le fusil

Elle lui chantait une berceuse

avant d’aller prendre

son tour de guet

La rafale de l’Uzi*

a tronçonné la berceuse d’abord

........................puis le bébé


(*) Uzi : fusil-mitrailleur de marque israélienne



Djamal Benmerad
Journaliste, écrivain
Bruxelles

Le chant du père


Le chant du père

En arrivant

j’ai trouvé ton cahier d’écolier

avec un poème perdu dedans

A trop le lire je souhaite

mon enfant

mourir moins lentement que toi

mon enfant

dont la tête a roulé plus vite

que le viol de tes sœurs

mon enfant

dont la tête a roulé dans la poussière

moins vite que la souffrance

de Guernica à Ramallah



Djamal Benmerad

Journaliste, écrivain
Bruxelles

mardi 9 février 2010

la victoire de Guernica




Beau monde des masures
De la nuit et des champs


Visages bons au feu visages bons au froid
Aux refus à la nuit aux injures aux coups


Visages bons à tout
Voici le vide qui vous fixe
Votre mort va servir d’exemple

La mort cœur renversé

Ils vous ont fait payer le pain
Le ciel la terre l’eau le sommeil
Et la misère
De votre vie


Ils disaient désirer la bonne intelligence
Ils rationnaient les forts jugeaient les fous
Faisaient l’aumône partageaient un sou en deux
Ils saluaient les cadavres
Ils s’accablaient de politesses


Ils persévèrent ils exagèrent ils ne sont pas de notre monde


Les femmes les enfants ont le même trésor
De feuilles vertes de printemps et de lait pur
Et de durée
Dans leurs yeux purs


Les femmes les enfants ont le même trésor
Dans les yeux
Les hommes le défendent comme ils peuvent


Les femmes les enfants ont les mêmes roses rouges
Dans les yeux
Chacun montre son sang


La peur et le courage de vivre et de mourir
La mort si difficile et si facile


Hommes pour qui ce trésor fut chanté
Hommes pour qui ce trésor fut gâché


Hommes réels pour qui le désespoir
Alimente le feu dévorant de l’espoir
Ouvrons ensemble le dernier bourgeon de l’avenir


Parias la mort la terre et la hideur
De nos ennemis ont la couleur
Monotone de notre nuit
Nous en aurons raison.

Paul Eluard