dimanche 31 janvier 2010

lettre du résistant à sa mère


Lettre du résistant à sa mère

A l'aube nous retournerons au combat
comme nous allions à l'école :
les pieds nus sur la neige
Et nous n'aurons peur
ni de Dieu
...............................ni d'aucun homme


Djamal Benmerad

Journaliste, écrivain
Bruxelles

Poésie algérienne, poésie de la douleur et de la résistance


Poésie algérienne,

poésie de la douleur

et de la résistance



Mahieddine Nabet, poète d’origine algérienne, aujourd’hui apatride, écrivait dans le milieu des années 1990 que « La poésie est simple parole d’Homme/ qui ne craint pas de reprendre/ avec talent telle parole d’un autre Homme qui s’appuie sur un autre Homme/ qu’elle fait complice/ chemin faisant/ de l’enfer à la folie » (1). Faisons nôtre ce credo pour introduire notre propos sur la poésie algérienne et répétons-le partout pour que partout cela se sache. Le poète algérien est le scribe de son peuple et de son époque.

La poésie algérienne est gorgée de soleil, mais elle charrie aussi les galets léchés par la Méditerranée. Elle fascine - ou séduit -, croyons-nous, par sa violence. Nous allons citer, pêle-mêle, quelques auteurs qui ont marqué la mémoire collective.



Par Djamal Benmmerad

http://barricades.over-blog.com/



Belkheir, barde de la révolte et compagnon d’El Mokrani, chef de l’insurrection anti-coloniale de 1871, a fini déporté en Nouvelle Calédonie et y est mort. Si Mohand U M’Hand, le Villon algérien, devint paria, exclu de sa communauté. Kateb Yacine fut emprisonné par les autorités coloniales lors des manifestations 8 mai 1945 alors qu’il distribuait des poèmes manuscrits et enflammés. Il avait à peine 16 ans. Nombre de poètes algériens contemporains sont nés dans la violence de la guerre d’indépendance La guerre finie, ils connurent, à différentes étapes de leur vie, quelques années, pour certains quelques mois, de répit… Mais le répit est une parenthèse, et comme une parenthèse doit être refermée, ils ont replongé dans la violence, pour certains, vivent les affres de l’exil, pour d’autres, dommage « collatéral » de l’intolérance islamiste et de l’inquisition des différents régimes qui se sont succédés jusqu’à présent à la tête de l’Etat. C’est ainsi : qui ne périt d’une balle meurt d’exil. C’est pour cela, et selon les lois de la relativités, que nous trouvons futiles, voire ridicules, les parpaings rédigés sous le label « poésie » par certains poètes occidentaux qui s’extasient sur la beauté de la nature, le chant d’un rossignol, un coucher de soleil et autres « évènements » de même ordre à l’aide de « poèmes » à l’eau de rose. Cette poésie nous semble atteinte de ménopause avant d’avoir atteint la puberté. Donnons donc une procuration rétroactive à Messaour Boulanouar - poète emprisonné par l’armée coloniale – pour clamer le pourquoi de cette poésie : « J’écris pour l’homme en peine / l’homme aveugle/ l’homme fermé par la tristesse/ l’homme fermé à la splendeur du jour/ J’écris pour éveiller l’azur/ au fond des yeux malades/ au fond des vieux étangs de honte ». Ceci est le prélude au seul poème qu’ait écrit Messaour Boulanouar en prison, un poème…de 150 pages, intitulé « La meilleure force » (2) . Ahmed Benkamla vient à sa rescousse dans « Contre Corps » (3): « Nous/ citoyens du poème/ voulons édifier notre cité/ sur le socle/ du bruit et de la colère ». Mais parce que la muse est aussi témoignage, Bachir Hadj Ali nous enseigne, en pédagogue de la poésie, qu’ « Echotier du monde/ obscurité poétique/ l’œuvre est tenue/ d’être l’art/ entre les sons et les sens/ la forme et l’étoffe/ de la poésie » (4). Signalons au passage que le recueil comprenant ce poème a été balisé par des séances de torture au centre de la Sécurité militaire algérienne.

La poésie n’est pas seulement une machine à anticiper, c’est aussi une machine à tatouer. Ecoutons l’amour effréné de la patrie, alors occupée, chez Malek Haddad qui crie dans un livre paru sous l’occupation coloniale : « Chez nous le mot Patrie a un goût de colère/ Ma main a caressé le cœur des oliviers/ Le manche de la hache est épopée/ Et j’ai vu mon grand-père du nom d’El Mokrani/ Poser son chapelet pour voir passer des aigles/ Chez nous le mot Patrie a un goût de légende » (5).

Oui, il s’agit de ce mot qui fait ringard en ces temps de « mondialisation », patrie, qui anime le souffle de Mohamed Haddadi qui écrit dans un recueil encore inédit: « Patrie où coule la soif/ l’amour a fait naufrage/ au large de tes eaux/ Ta nuit brise l’aurore/ et sur tes bords germe le cri/ fermente le remord d’avoir vécu/ contre un poteau de haine dressé comme un étau/ Il suffit de faire un pas/ pour fouler un tombeau/ tel un carré de lys flétri par le troupeau ».

Dans les années 1940, El Mouhouv (Jean) Amrouche écrivait, à qui voulait le lire, à propos de cette même patrie, usurpée, que « Nous voulons la patrie de nos pères/ la langue de nos mères/ la mélodie de nos songes et de nos chants/ sur notre berceau et notre tombe/ Nous ne voulons plus/ errer en exil/ dans le présent/ sans mémoire et sans avenir » (6).

A un siècle de distance, Salima Aït Mohamed lui fait écho : « Les rossignols s’exilent/ vers des cieux embrasés/ pour chanter l’heure damnée/ et le souvenir déchiré/ des vers d’émeraude/ des œillets de chagrin/ C’est aujourd’hui Alger/ la blessure du monde » (7).

Aux côtés de la « patrie » surgit une autre thématique, une autre blessure, celle de l’exil. Hassan Chebli a connu les affres des prisons coloniales. L’indépendance retrouvée, l’Algérie des planqués, l’Algérie des imposteurs, n’avait nul besoin de s’encombrer de poètes. Avant de s’exiler, il a eu « le loisir » de publier, dans « Espoir et paroles » : « Ô mes frères qui n’êtes plus là/ à m’attendre/ au sortir de ma prison/ tout un peuple est là pour comprendre/ de quel horizon/ Novembre portait la genèse » (8).

On ne peut parler de poésie sans s’incliner devant Anna Greki, de son vrai nom Anna Colette Grégoire, cette jeune femme qui a choisi le chemin de la Résistance aux côtés de ses frères de cœur algériens. Militante du Parti communiste algérien, elle est arrêtée en 1957, internée à la prison Barberousse d'Alger, transférée en novembre 1958 au camp de Beni Messous puis expulsée d'Algérie avant d’y revenir à l'indépendance. Son engagement révolutionnaire transparaît dans cette tendre violence qui traverse son recueil publié à sa sortie de prison : « Je ne sais plus qu’aimer la rage au cœur/ C’est ma manière/ d’avoir du cœur à revendre/ Dressés comme un roseau dans ma langue/ les cris de mes amis/ coupent la quiétude meurtrie/ Pour tous/ dans ma langue/ et dans tous les replis/ de la nuit luisante/ je ne sais plus qu’aimer/ au cœur qu’avec cette plaie/ Dans ma mémoire rassemblée comme un filet/ grenade désamorcée/ je pense aux amis assassinés/ sans qu’ont les ait aimés/ eux qu’on a jugés/ avant de les entendre/ je pense aux amis/ qui furent assassinés »(9) .

Avant d’être assassiné par les islamo-fascistes en 1993, Laâdi Flici a exprimé, de manière très dépouillée, cette identification à son peuple : « N’oublie pas/ que je suis/ un des tiens/ et aujourd’hui loin de toi/ je revois mon visage sale/ mes vêtements déchirés/ mes pieds nus/ mes amis qu’on appelait yaouled/ les cireurs et les voyous/ ma jeunesse à l’école/ où je n’allais/ qu’au début de l’année » (10).

L’Algérie indépendante tortura Bachir Hadj Ali pour son engagement progressiste, sans égard pour sa participation à la Résistance anticoloniale. Il nous laisse ce témoignage pudique de la douleur :

« Une ligne descendante/ caresse un feu patient/ le silence sous la torture/ est une jubilation/ Mais par où s’évader ? » (11). Plus près de nous, Tahar Djaout écrivait en 1993 dans ce poème prémonitoire que « Le printemps est le temps des décompte/ et des cadavres qui questionnent/ La mort s’assied/ avec son broc et son visage familier/ Elle aussi aime le feu/ et la tristesse des vents chanteurs » (12) …Et il sera assassiné au printemps de la même année. Quelques mois plus tard, ce fut le tour de Youcef Sebti d’être assassiné, lui qui écrivait que « L’enfer demeure/ et les insurgés/ ont pour destinée la folie » (13). Lui, l’insurgé, n’a pas eu le temps de connaître la folie : il fut égorgé la fin de l’année 1993.



Notes :

1- La grande humanité, Mahieddine Nabet - Editions parallèle, 1981

2- La meilleure force, Messaour Belanouar - Editions du Scorpion, 1963

3- Je t’imagine Antigone, Ahmed Benkamla - Editions Enal, 1983

4- Soleils sonores, Bachir Hadj Ali - Auto-édition

5- Le Malheur en Danger, Malek Haddad – Edition La Nef de Paris, 1956

6- Espoir et paroles, Anthologie poétique de Denis Barrat – Seghers, 1963

7- Ecrits d’Algérie, Collectif - Editions Autres temps, 1996

8- Espoir et paroles, Anthologie poétique de Denis Barrat - Seghers, 1963

9- Algérie, Capitale Alger, Anna Greki, préface de Mostefa Lacheraf - Editions P. J. Oswald, 1963

10- La démesure et le royaume, Laâdi Flici – Editions Sned, 1981

11- Soleils sonores, Bachir Hadj Ali - Auto-édition

12- Pérennes, Tahar Djaout - Editions Le Temps des cerises

13- L’enfer et la folie, Youcef Sebti – Edition Bouchène

vendredi 29 janvier 2010

je prends congé, je rentre...


Je prends congé, je rentre
chez moi, dans mes rêves,
je retourne en Patagonie
où le vent frappe les étables
où l’océan disperse la glace.
Je ne suis qu’un poète
et je vous aime tous,
je vais errant par le monde que j’aime :

dans ma patrie
on emprisonne les mineurs
et le soldat commande au juge.
Mais j’aime, moi, jusqu’aux racines
de mon petit pays si froid.
Si je devais mourir cent fois,
c’est là que je voudrais mourir
et si je devais naître cent fois
c’est là aussi que je veux naître
près de l’araucaria sauvage,
des bourrasques du vent du sud
et des cloches depuis peu acquises.

Qu’aucun de vous ne pense à moi.
Pensons plutôt à toute la terre,
frappons amoureusement sur la table.
Je ne veux pas revoir le sang
imbiber le pain, les haricots noirs,
la musique : je veux que viennent
avec moi le mineur, la fillette,
l’avocat, le marin
et le fabricant de poupées,
Que nous allions au cinéma,
que nous sortions
boire le plus rouge des vins.

Je ne suis rien venu résoudre.

Je suis venu ici chanter
je suis venu
afin que tu chantes avec moi.


Pablo NERUDA

Extrait de "El Canto General"

la moisson des lys


La Moisson des Lys


Prenons la faucille et la gourde.

J’aperçois l’orient qui luit.

La chaleur tantôt sera lourde.

Profitons d’un reste de nuit.

Tous en marche, et point de paresse.

Appelez, cognez aux volets.

Je sais une moisson qui presse

Plus que les seigles et les blés.

Moissonneur, mets le bât sur l’âne,

Vois si les flacons sont remplis,

Prends ta faucille paysanne

Et va couper des fleurs de lys !

Depuis quatre mois, ô délices,

On ne voyait sous le ciel bleu

Que Lys purs dressant leurs calices,

Peuplés de bêtes à bon Dieu ;

“ Si tous ces lys montent en graine,

Murmurait de peuple insolent

La France à la saison prochaine

Ne sera plus qu’un champ tout blanc ”.

Et plein d’une aimable surprise,

“ Ah ! soupirait le roi Henri,

Que de lys tremblant sous la brise !

Comme ma France a refleuri !

“ Des lys ! j’en ai là pour les mitres,

Pour les coussins, pour les manteaux,

J’en ferai graver sur mes vitres,

Et j’en broderai mes châteaux.

“ Des lys, des lys sans qu’on les compte ;

Venez, prélats et courtisans ;

Cent pour toi, duc, vingt pour toi, comte ;

Et qu’on rosse ces paysans !

“ Après, en vrai roi gentilhomme,

Nous irons, rien n’est plus aisé,

Planter sur les remparts de Rome

Mon étendard fleurdelisé.

Mais voici que le matin brille… ”

Le peuple, ouvrier diligent,

A sorti sa grande faucille,

Et fait tomber les fleurs d’argent.

Et puis, les ayant ramassées,

Dans les fossés du grand chemin,

Il les entasse par brassées.

L’eau les emportera demain.

Maintenant, buvons deux rasades,

Les lys ne repousseront pas.

Mais vous oubliez, camarades,

Que la moisson attend là-bas.

En route ! les blés sont superbes.

La cigale crie aux échos,

Et nous mêlerons à nos gerbes

Quelques rouges coquelicots.

Moissonneur, mets le bât sur l’âne,

Vois si les flacons sont remplis,

Car ta faucille paysanne

N’a pas laissé de fleurs de lys.


Paul Arène
Provence, juillet 1871

jeudi 28 janvier 2010

attentes


j'ai voyagé tant de siècles
dans l'attente
que, de tes mains,
tu me fasses un nid

je voudrais vivre enchaînée
dans tes bras
et dormir
en rêvant de me nourrir de toi


anonyme

absence



Je sais que ce n'était pas un rêve.
Tu es venu t'asseoir
près de moi, à mon chevet,
ton souffle a frappé mon sommeil.
Hélas ! mon sommeil était si profond
que je n'ai pas ouvert mes yeux
Tu as chanté la chanson magique,
la cantilène berceuse.
Et comme une harpe abandonnée
que touchent d'invisibles doigts,
mes songes ont vibré d'une vivante
harmonie ressuscitée.
A l'aube, quand je me suis réveillée,
ivre encore de cette nuit,
croyant d'ouïr s'enfuir ton ombre,
j'ai tourné mes regards vers toi.
Alors, j'ai vu qu'à mon côté
hélas, la place était vide...

anonyme

mardi 26 janvier 2010

Ballade des proverbes

A Tahar Hamadache qui a tant travaillé sur les proverbes kabyles

Ballade des proverbes

Tant gratte chèvre que mal gît,
Tant va le pot à l'eau qu'il brise,
Tant chauffe-on le fer qu'il rougit,
Tant le maille-on qu'il se débrise,
Tant vaut l'homme comme on le prise,
Tant s'élogne-il qu'il n'en souvient,
Tant mauvais est qu'on le déprise,
Tant crie-l'on Noël qu'il vient.

Tant parle-on qu'on se contredit,
Tant vaut bon bruit que grâce acquise,
Tant promet-on qu'on s'en dédit,
Tant prie-on que chose est acquise,
Tant plus est chère et plus est quise,
Tant la quiert-on qu'on y parvient,
Tant plus commune et moins requise,
Tant crie-l'on Noël qu'il vient.

Tant aime-on chien qu'on le nourrit,
Tant court chanson qu'elle est apprise,
Tant garde-on fruit qu'il se pourrit,
Tant bat-on place qu'elle est prise,
Tant tarde-on que faut l'entreprise,
Tant se hâte-on que mal advient,
Tant embrasse-on que chet la prise,
Tant crie-l'on Noël qu'il vient.

Tant raille-on que plus on n'en rit,
Tant dépent-on qu'on n'a chemise,
Tant est-on franc que tout y frit,
Tant vaut "Tiens !" que chose promise,
Tant aime-on Dieu qu'on fuit l'Eglise,
Tant donne-on qu'emprunter convient,
Tant tourne vent qu'il chet en bise,
Tant crie-l'on Noël qu'il vient.

Prince, tant vit fol qu'il s'avise,
Tant va-il qu'après il revient,
Tant le mate-on qu'il se ravise,
Tant crie-l'on Noël qu'il vient.

François Villon

lundi 25 janvier 2010

Le chant des Partisans

Le chant des partisans

Paroles de Maurice Druon et Joseph Kessel, musique d’Anna MARLY, 30 Mai 1943


Missak MANOUCHIAN




Ami entends-tu
Le vol noir des corbeaux
Sur nos plaines.
Ami entends-tu
Les cris sourds du pays
Qu’on enchaîne ...
Ohé partisans
Ouvriers et paysans
C’est l’alarme !
Ce soir l’ennemi
Connaîtra le prix du sang
Et des larmes ...
Montez de la mine,
Descendez des collines,
Camarades.
Sortez de la paille
Les fusils, la mitraille,
Les grenades.
Ohé ! les tueurs
A la balle et au couteau
Tuez vite !
Ohé ! saboteurs
Attention à ton fardeau ...
Dynamite ...
C’est nous qui brisons
Les barreaux des prisons
Pour nos frères.
La haine à nos trousses
Et la faim qui nous pousse,
La misère.
Il y a des pays
Où les gens au creux des lits
Font des rêves.
Ici, nous vois-tu
Nous on marche et nous on tue
Nous on crève ...
Ici, chacun sait
Ce qu’il veut, ce qu’il fait
Quand il passe
Ami, si tu tombes,
Un ami sort de l’ombre
A ta place.
Demain du sang noir
Séchera au grand soleil
Sur les routes.
Chantez compagnons,
Dans la nuit, la liberté
Nous écoute ...
Ami, entends-tu
Les cris sourds du pays qu’on
Enchaîne !
Ami, entends-tu
Le vol noir des corbeaux sur nos plaines ...

vendredi 22 janvier 2010

Allégresse


Allégresse

J’ai planté mon poème

un olivier a poussé

je l’offrirai aux fedayins

embusqués et silencieux

comme à l’approche du simoun *

Mais vous ignorez le simoun

et la rafale du simoun


(*) Simoun : vent de sable brûlant



Djamal Benmerad
Journaliste, écrivain
Bruxelles

jeudi 21 janvier 2010

Giroflée, Girofla

Giroflée, Girofla

Chanson écrite par Rosa HOLT en 1935. Elle dénonce l'atrocité de la guerre pour le peuple au moment de l'arrivée de Hitler au pouvoir alors que le chauvinisme est développé et que la jeunesse est embrigadée dans l'armée.




Que tu as la maison douce
Giroflée Girofla
L'herbe y croît, les fleurs y poussent
Le printemps est là.
Dans la nuit qui devient rousse
Giroflée Girofla
L'avion la brûlera.

Que tu as de beaux champs d'orge
Giroflée Girofla
Ton grenier de fruits regorge
L'abondance est là.
Entends-tu souffler la forge
Giroflée Girofla
L' canon les fauchera.

Que tu as de belles filles
Giroflée Girofla
Dans leurs yeux où la joie brille
L'amour descendra.
Dans la plaine on se fusille
Giroflée Girofla
L' soldat les violera.

Que tes fils sont forts et tendres
Giroflée Girofla
Ca fait plaisir d' les entendre
A qui chantera.
Dans huit jours on va t' les prendre
Giroflée Girofla
L' corbeau les mangera.

Tant qu'y aura des militaires
Soit ton fils soit le mien
Y n' pourra y avoir sur terre
Pas grand-chose de bien.
On te tuera pour te faire taire
Par derrière comme un chien
Et tout ça pour rien.

Berceuse


berceuse

Dors ma belle, dors
Des jardins je t'apporte à l'instant le sommeil
Ah ! dans tes yeux marrons que sont vertes les treilles
Dors ma belle, dors
dors en souriant aux anges,
do, do.

Dors ma belle, dors
De la mer je t'apporte à l'instant le sommeil
Un sommeil vaste et frais, léger comme une abeille
Dors ma belle, dors
sous les voiles gonflées de vent,
do, do.

Dors ma belle, dors
Des astres je t'apporte à l'instant le sommeil
Un sommeil d'un bleu sombre à du velours pareil
Dors ma belle, dors
car à ton chevet mon cœur veille,
do, do.

Nazim Hikmet

lundi 18 janvier 2010

A notre mère... Gaza

A notre mère…Gaza !


Amor mon ange ! Je … me …meurs,

Mais je laisse un homme… au grand cœur

“Ah mon Dieu ! Que faire ! Que faire !

Amor ! N’oublie jamais mon ange !

Tes pierres et tes prières…

Sois fort !

Brise les murs et les remparts !

Que ton cœur soit la flamme

Qui brûle les tanks et les chars !

Amor ! Sois Fort !

Essuie tes pleurs !

Vaincs tes blessures

Et tes douleurs !

Ecoute Mon ange …

Regarde-moi !

Tu sais Amor

C’est ça la guerre !!!

La Barbarie

Des Sans-Cœurs.

La Barbarie

Des diables forts.

La barbarie ….

Des hommes d’Enfer

Amor mon ange ! Je … me …meurs …

Défends Gaza !

Défends ta Terre !

Ah ! la Douleur !

Amor … mon… ange !

Je vois …. Les…. anges !

Je vois….

Ton père…

Jamila… Zohra

Mes … sœurs

Je vois …

La… lumière …le … paradis,

La… lumière… Et…

la …li

ber..

té !


FRERE ! Sois fort !

Après l’horreur il y a l’aurore !

FRERE ! Sois fort !

C’est de tes larmes que vit l’Honneur !

FRERE ! Sois fort !

C’est de ton sang que vit la Terre !

Mère ! Il pleure dans mon cœur

Comme il pleut sur Gaza !

J’ai honte d’être Arabe

J’ai honte d’être Moi.

Mère ! Que puis-je vous dire ici

Sinon pardonnez-moi !


Moez Lahmédi

dimanche 17 janvier 2010

C'est vivre....


C’est vivre

Fanon, Amrouche et Feraoun
Trois voix brisées qui nous surprennent
Plus proches que jamais
Fanon, Amrouche, Feraoun
Trois source vives qui n’ont pas vu
La lumière du jour
Et qui faisaient entendre
Le murmure angoissé
Des luttes souterraines
Fanon, Amrouche, Feraoun
Eux qui avaient appris
A lire dans les ténèbres
Et qui les yeux fermés
N’ont pas cessé d’écrire
Portant à bout de bras
Leurs oeuvres et leurs racines
Mourir ainsi c’est vivre
Guerre et cancer du sang
Lente ou violente chacun sa mort
Et c’est toujours la même
Pour ceux qui ont appris
A lire dans les ténèbres,
Et qui les yeux fermés
N’ont pas cessé d’écrire
Mourir ainsi c’est vivre.

(Paru dans Jeune Afrique, Paris, n°107, 5-11 novembre 1962).

Kateb Yacine

Pourquoi ?



A Ramallah l'enfant agonisant
me regarde les yeux mi-clos
comme pour me dire
"pourquoi ?"


Djamal Benmerad
Chants d'exil



Djamal Benmerad
Journaliste, écrivain
Bruxelles

Vous qui passez parmi les paroles passagères


Vous qui passez parmi les paroles passagères

Vous qui passez parmi les paroles passagères, portez vos noms et partez.

Retirez vos heures de notre temps, partez.

Extorquez ce que vous voulez du bleu du ciel et du sable de la mémoire.

Prenez les photos que vous voulez, pour savoir que vous ne saurez pas comment les pierres de notre terre bâtissent le toit du ciel.

Vous qui passez parmi les paroles passagères,

Vous fournissez l’épée, nous fournissons le sang, vous fournissez l’acier et le feu, nous fournissons la chair, vous fournissez un autre char, nous fournissons les pierres, vous fournissez la bombe lacrymogène, nous fournissons la pluie.

Mais le ciel et l’air sont les mêmes pour vous et pour nous.

Alors prenez votre lot de notre sang, et partez, allez dîner, festoyer et danser, puis partez.

A nous de garder les roses des martyrs, à nous de vivre comme nous le voulons.

Vous qui passez parmi les paroles passagères, comme la poussière amère, passez où vous voulez, mais ne passez pas parmi nous comme les insectes volants.

Nous avons à faire dans notre terre, nous avons à cultiver le blé, à l’abreuver de la rosée de nos corps.

Nous avons ce qui ne vous agrée pas ici, pierres et perdrix.

Alors, portez le passé, si vous le voulez, au marché des antiquités et restituez le squelette à la huppe sur un plateau de porcelaine.

Nous avons ce qui ne vous agrée pas, nous avons l’avenir, et nous avons à faire dans notre pays.

Vous qui passez parmi les paroles passagères, entassez vos illusions dans une fosse abandonnée, et partez.

Rendez les aiguilles du temps à la légitimité du veau d’or ou au battement musical du revolver.

Nous avons ce qui ne vous agrée pas ici, partez.

Nous avons ce qui n’est pas à vous : une patrie qui saigne, un peuple qui saigne, une patrie utile à l’oubli et au souvenir.

Vous qui passez parmi les paroles passagères, il est temps que vous partiez et que vous vous fixiez où bon vous semble, mais ne vous fixez pas parmi nous.

Il est temps que vous partiez, que vous mouriez où bon vous semble, mais ne mourez pas parmi nous.

Nous avons à faire dans notre terre, ici, nous avons le passé, la voix inaugurale de la vie, et nous y avons le présent, le présent et l’avenir, nous y avons l’ici-bas et l’au-delà.

Alors, sortez de notre terre, de notre terre ferme, de notre mer, de notre blé, de notre sel, de notre blessure, de toute chose, sortez des souvenirs de la mémoire, ô vous qui passez parmi les paroles passagères...

Mahmoud Darwich

La plus belle des mamans


La plus belle des mamans


La plus belle des mamans, c'est celle qui attendit
Son enfant
La plus belle des mamans, c'est celle qui attendit
Son retour
Et il lui revint
Martyr

Elle pleura alors deux larmes et une rose
Et ne s'isola point dans les habits de deuil

La guerre n'est pas finie mais il est de retour
Son fusil fané, ses deux mains indifférentes

La plus belle des mamans, c'est celle qui l'attendit
Et il revint
La plus belle des mamans, c'est celle dont les yeux ne savent pas dormir,
Cherchant dans le ciel une étoile
Qui auréole dans l'obscurité
Un corps

Nous ne renoncerons pas à son sang
Avancé dans la terre
Nous ne renoncerons pas à notre amour
Des montagnes qui ont bu son âme
Pour se parer d'une multitude d'arbres qui courent
Vers l'été des champs, nous résisterons ici
Près de cette immense dévastation
Dans nos mains brille la terreur, dans nos mains…
Et dans nos cœur la branche toujours verte de la fidélité

Nous résisterons ici, nous résisterons ici
Vers ce dernier rempart
Dans nos mains brille la terreur, dans nos mains…
Et dans nos cœur la branche toujours verte de la fidélité

Nous résisterons ici Nous résisterons ici

Hassan Abdellah

Elle, le soir


Elle, le soir

Elle est seule, le soir
et moi, comme elle, je suis seul…
Entre moi et ses chandelles
dans le restaurant hivernal,
deux tables vides. [Rien ne trouble notre silence]
Elle ne me voit pas quand je la vois
cueillir une rose à sa poitrine.
Je ne la vois pas quand elle me voit
siroter un baiser de mon vin…
Elle n’émiette pas son morceau de pain,
et moi, je ne renverse pas l’eau
sur la nappe en papier.
[Rien ne ternit notre sérénité]
Elle est seule et je suis seul
devant sa beauté. Je me dis :
Pourquoi cette fragilité ne nous unit-elle pas ?
Pourquoi ne puis-je goûter son vin ?
Elle ne me voit pas quand je la vois
décroiser les jambes…
Et je ne la vois pas quand elle me voit
ôter mon manteau…
Rien ne la dérange en ma compagnie,
rien ne me dérange, nous sommes à présent
unis dans l’oubli…
Notre dîner, chacun seul, fut appétissant,
la voix de la nuit était bleue.
Je n’étais pas seul, elle n’était pas seule.
Ensemble nous écoutions le cristal.
[Rien ne brise notre nuit]

Elle ne dit pas :
L’amour naît vivant
Et finit en idée.
Moi non plus, je ne dis pas :
L’amour a fini en idée.

Mais il en a tout l’air…

(Extrait de :
"Ne t’excuse pas")
Mahmoud Darwich

L'impossible

L'impossible

Je meurs d’espoir
D’embrasement je meurs
Je meurs pendu
Egorgé je meurs
Mais je ne dis point :
Notre amour est fini et mort
Non
Notre amour est impérissable

Mahmoud Darwich

Bâtis tes palais


Bâtis tes palais

Bâtis tes palais sur les champs
Grâce à notre labeur et à notre sueur
Les bars côtoient les usines
Et la prison est en lieu et place du jardin

Et envoies tes chiens dans les rues
Et enferme nous dans tes cellules
Et qui est ce que peut encore nous sermonner
On a déjà passé notre vie à dormir

Et on s’est habitué aux malheurs
On en a assez des malheurs
Et on connaît désormais les responsables de nos blessures
Et on s’est connus et on s’est retrouvés

Travailleurs, agriculteurs et étudiants
Notre heure est venue et on a commencé
On emprunte un chemin sans retour
Et la victoire est en nous


Ahmed Foued Nejm

A un tueur


[A un tueur]

Si tu avais contemplé le visage de la victime et réfléchi,
tu te serais souvenu de ta mère dans la chambre à gaz,
tu te serais libéré de la raison du fusil

Et tu aurais changé d'avis :
ce n'est pas ainsi qu'on retrouve une identité.


Mahmoud Darwich

samedi 16 janvier 2010

A mon enfant


A mon enfant


(Extrait de chants palestiniens)


Maintenant que tu sais l’heure

tu ne peux ignorer le temps

alors sois désormais

de ceux qui marchent nu-pieds

sur le sable brûlant

où l’asphalte éventré

de ceux qui ne craignent

ni la hauteur des barbelés

ni la béance des prisons

ni le canon des Uzi

Sois surtout

de ceux que les Arabes

ne peuvent trahir qu’une fois




Djamal Benmerad
Journaliste, écrivain
Bruxelles

je suis dans la clarté qui avance....



Je suis dans la clarté qui s'avance
Mes mains sont toutes pleines de désir
Le monde est beau
Mes yeux ne se lassent pas de regarder les arbres
Les arbres si verts, les arbres si pleins d'espoir
Un sentier s'en va à travers les mûriers
Je suis à la fenêtre de l'infirmerie
Je ne sens pas l'odeur des médicaments
Les oeillets ont dû s'ouvrir quelque part
Être captif, là n'est pas la question
Il s'agit de ne pas se rendre
Voilà.

Nazim Hikmet



vendredi 15 janvier 2010

ils ne savent pas


ils riront de moi de toi
et de beaucoup d'autres encore
ils ne savent pas que d'un coup de pierre
nous avons révoqué le froid
ils ne savent pas que nous avons mis le feu
aux étoiles

ils ne savent pas

abdelmadjid kaouah

dimanche 10 janvier 2010

Le chant du père


Le chant du père

En arrivant

j’ai trouvé ton cahier d’écolier

avec un poème perdu dedans

A trop le lire je souhaite

mon enfant

mourir moins lentement que toi

mon enfant

dont la tête a roulé plus vite

que le viol de tes sœurs

mon enfant

dont la tête a roulé dans la poussière

moins vite que la souffrance

de Guernica à Gaza


Djamal Benmerad
Journaliste, écrivain
Bruxelles

un peu de toi


Un peu de toi

Cet enfant que tu regardes mourir

sur ton écran couleur

à partir de New York

Riyad

Paris

ou Londres

c’est un peu de New York

de Riyad

Paris

et Londres

qui se meurt ici

à Gaza


Djamal Benmerad



Djamal Benmerad
Journaliste, écrivain
Bruxelles

Lettre des cinq continents




Lettre des cinq continents



Le premier continent est trop exigu

pour ma pointure

le deuxième continent est trop exigu

pour héberger mon poème

le troisième continent est trop exigu

pour les racines de mon arbre

le quatrième continent est trop exigu

pour contenir la Kabylie

le cinquième continent est trop étroit

pour y faire l’amour




Djamal Benmerad
Journaliste, écrivain
Bruxelles