jeudi 17 février 2011

La volonté de vivre

Lorsqu'un jour le peuple veut vivre,
Force est pour le Destin, de répondre,
Force est pour les ténèbres de se dissiper,
...Force est pour les chaînes de se briser.
Avec fracas, le vent souffle dans les ravins,
au sommet des montagnes et sous les arbres
disant :

"Lorsque je tends vers un but,
je me fais porter par l’espoir
et oublie toute prudence ;
Je n’évite pas les chemins escarpés
et n’appréhende pas la chute
dans un feu brûlant.
Qui n’aime pas gravir la montagne,
vivra éternellement au fond des vallées".

Je sens bouillonner dans mon cœur
Le sang de la jeunesse
Des vents nouveaux se lèvent en moi
Je me mets à écouter leur chant
A écouter le tonnerre qui gronde
La pluie qui tombe et la symphonie des vents.

Et lorsque je demande à la Terre :

"Mère, détestes-tu les hommes ?"

Elle me répond :

"Je bénis les ambitieux
et ceux qui aiment affronter les dangers.
Je maudis ceux qui ne s’adaptent pas
aux aléas du temps et se contentent de mener
une vie morne, comme les pierres.
Le monde est vivant.
Il aime la vie et méprise les morts,
aussi fameux qu’ils soient.
Le ciel ne garde pas, en son sein,
Les oiseaux morts
et les abeilles ne butinent pas
les fleurs fanées.
N’eût été ma tendresse maternelle,
les tombeaux n’auraient pas gardé leurs morts".

Par une nuit d’automne,
Lourde de chagrin et d’inquiétude,
Grisé par l’éclat des étoiles,
Je saoule la tristesse de mes chants,
Je demande à l’obscurité :

"La vie rend-elle à celui qu’elle fane
le printemps de son âge ? "

La nuit reste silencieuse.
Les nymphes de l’aube taisent leur chant.
Mais la forêt me répond d'une voix
aussi douce que les vibrations d'une corde :

" Vienne l'hiver, l'hiver de la brume,
l'hiver des neiges, l'hiver des pluies.
S'éteint l'enchantement,
Enchantement des branches
des fleurs, des fruits,
Enchantement du ciel serein et doux,
Enchantement exquis des prairies parfumées.
Les branches tombent avec leurs feuilles,
tombent aussi les fleurs de la belle saison.
Tout disparaît comme un rêve merveilleux
qui brille, un instant, dans une âme,
puis s'évanouit.
Mais restent les graines.
Elles conservent en elles le trésor
d'une belle vie disparue..."

La vie se fait
Et se défait
Puis recommence.
Le rêve des semences émerge de la nuit,
Enveloppé de la lueur obscure de l'aurore,
Elles demandent :

"Où est la brume matinale ?
Où est le soir magique ?
Où est le clair de lune ?
Où sont les rayons de la lune et la vie ?
Où est la vie à laquelle j'aspire ?
J'ai désiré la lumière au-dessus des branches.
J'ai désiré l'ombre sous les arbres"

Il dit aux semences :

"La vie vous est donnée.
Et vous vivrez éternellement
par la descendance qui vous survivra.
La lumière pourra vous bénir,
accueillez la fertilité de la vie.
Celui qui dans ses rêves adore la lumière,
la lumière le bénira là où il va."
En un moment pas plus long
qu'un battement d'ailes,
Leur désir s'accroît et triomphe.
Elles soulèvent la terre qui pèse sur elles
Et une belle végétation surgit pour contempler la beauté de la création.

La lumière est dans mon cœur et mon âme,
Pourquoi aurais-je peur de marcher dans l'obscurité ?
Je voudrais ne jamais être venu en ce monde
Et n'avoir jamais nagé parmi les étoiles.
Je voudrais que l'aube n'ait jamais embrassé mes rêves
Et que la lumière n'ait jamais caressé mes yeux.
Je voudrais n'avoir jamais cessé d'être ce que j'étais,
Une lumière libre répandue sur toute l'existence.

Abou El Kacem Chebbi (أبو القاسم الشابي ),
in Les chants de la vie (Aghani Al Hayat), .
Traduction de S. Masliah.

"Poème écrit à Tabarka le 16 septembre 1933, le poète était alors malade et en convalescence dans le nord de la Tunisie." (N. Arfaoui)

mercredi 16 février 2011


HORS LOGE DU TEMPS

« le combat est fini faute de combattants »

...Le temps menace d’exploser
Son porte-parole dit : « Tic ! Tac ! »
Hélas ! Il n’y a guère moyen de faire
A la guerre comme à la guerre :
Lui répondre du tac au tac.

Tahar Hamadache
20 mars 2001

jeudi 3 février 2011

JE TE LE DIS


Les instants de la journée

Coulent sans s’arrêter

Comme des âmes en peine

Devant l’absurdité

Ce qu’il faut de douleur

Pour briser les chaînes

Ce qu’il faut de fureur

Pour saisir le bonheur

Ce qu’il faut de larmes

Pour grandir les enfants

Pour briser les armes

Et les bras des tyrans

Veux-tu que je te dise

L’injustice me dégoûte

C’est comme une balise

Tout au long de ma route

Les damnés de la vie

Meurent abandonnés

Etouffés par la nuit

Des tueurs patentés

Ce qu’il faut de mort

Pour faire crier

Ce qu’il faut d’aurore

Pour rêver la liberté

Ce qu’il faut d’amour

Pour oublier la laideur

Ce qu’il faut de jours

Pour le sommeil d’une heure

Veux-tu que je te dise

L’injustice me dégoûte

C’est comme une balise

Tout au long de ma route

Le cœur des gens

Est un grand désert

Où souffle le vent

Du froid solitaire

Ce qu’il faut de sang

Pour brouiller les vues

Ce qu’il faut de chants

Pour déranger la rue

Ce qu’il faut de mépris

Pour faire rêver

Ce qu’il faut de gris

Pour un ciel dégagé

Veux-tu que je te dise

L’injustice me dégoûte

C’est comme une balise

Tout au long de ma route

CHABBI .M